« Citoyens et citoyennes belges, votre pouvoir ne passe pas que par les urnes » !

Carte blanche

Qu’est-ce qui relie Catherine, la quarantaine, du Brabant wallon, Claude, résident du Hainaut, récemment bénéficiaire d’un prêt pour sa nouvelle chaudière et Fatima, entrepreneuse bruxelloise, qui a développé un service de taxi pour enfants ?

Ce qui les unit… c’est l’argent. Catherine a placé une partie de ses économies dans une coopérative financière qui prête ensuite ces fonds à Fatima pour l’aider à développer son entreprise sociale ou à Claude pour optimiser sa consommation énergétique. Pour cela, Catherine a renoncé à un rendement financier, car elle sait que son investissement fait la différence au niveau social et environnemental.

Faire circuler l’argent en circuit court, financer des entreprises solidaires et durables hyper locales… cela semble être la base du métier des banques. Et pourtant, il y a 40 ans, ce projet était révolutionnaire. En 1984, des citoyens belges et des organisations sociales font mouvement et retirent leur argent des banques après les avoir interpellées sur le soutien qu’elles apportent au régime sud-africain pro-apartheid. « On a découvert que notre argent avait du pouvoir. Le retirer d’une banque et le mettre dans un autre organisme qui en fait meilleur usage peut vraiment changer les choses », se souvient Luc, l’un des fondateurs. Avec d’autres, il fonde Crédal — pour Crédit Alternatif.

La coopérative financière a égrené au fil du temps des initiatives pionnières et s’est progressivement imposée en Belgique comme étant à la pointe du modèle de finance solidaire en circuit court qu’elle défend et met en œuvre. Parmi ces initiatives, citons : la première offre structurée de micro-crédits en Belgique, le lancement du premier programme d’accompagnement dédié à l’entrepreneuriat féminin ou encore le financement de la première éolienne citoyenne belge et des premières coopératives visant à soutenir l’agriculture paysanne en Wallonie. Et l’histoire continue de s’écrire.

Quarante ans plus tard, ce mouvement, initialement considéré comme utopique, a octroyé plus de 475 millions d’euros de crédits à plus de 12 700 personnes, entreprises ou associations en Wallonie et à Bruxelles ! 475 millions d’euros ont été investis, grâce à des coopérateurs et coopératrices engagés, dans l’économie locale, la lutte contre la pauvreté, le développement durable, ainsi que le monde associatif et coopératif.

Quarante ans plus tard, des citoyens et citoyennes demandent de nouveau des comptes à leurs banques pour qu’elles ne financent plus des projets ayant un impact CO2 élevé alors que, selon Fairfin, les banques actives en Belgique ont injecté encore 11 milliards d’euros depuis 2021 dans les énergies fossiles. Aujourd’hui, investir en connaissance de cause est donc plus que jamais d’actualité. Aujourd’hui, mobiliser en tant que citoyen-investisseur une fraction de son épargne au service du bien commun reste… révolutionnaire.

Selon nous, il est crucial de mobiliser les citoyens et citoyennes, et de leur rappeler le pouvoir qu’a leur argent, au même titre que leur vote. 265 milliards d’euros sont placés sur les comptes épargne réglementés1, presque autant que le budget de l’Etat belge tous niveaux de pouvoir confondus. Si chaque citoyen et citoyenne belge réorientait ne serait-ce que 1 % de son épargne vers des institutions de finance solidaire, ce serait plus de 2,6 milliards d’euros qui deviendraient immédiatement disponibles pour soutenir positivement la transition sociale et environnementale qui se présente à nous.

Il n’y a pas que les bons d’état qui permettent de mettre son argent au service de l’intérêt général. Pour amplifier les effets, il est fondamental d’encourager chaque citoyen-investisseur à prendre sa part à la mesure de ses moyens. Les décideurs politiques aussi ont la responsabilité de soutenir ces initiatives, par exemple via des dispositifs fiscaux.

La finance solidaire démontre depuis de très nombreuses années, faits et chiffres à l’appui, l’impact sociétal qu’elle génère.

À l’heure où les citoyens se sentent parfois désillusionnés par la démocratie et ont le sentiment que leur voix ne compte pas assez, il est essentiel de rappeler que notre argent aussi a un pouvoir : celui d’être mis au service du bien commun et de contribuer à construire une société plus inclusive et durable. Encourager des projets comme ceux de Fatima ou de Claude relève de la responsabilité de nos (futurs) décideurs politiques, mais aussi de la nôtre.

 

 

Signataires :

  • Etienne de Callataÿ, co-fondateur d’Orcadia AM 
  • Michel de Wasseige, ex-consultant et ex-administrateur gérant de Crédal
  • Sandrine Dixson-Declève, présidente du Club de Rome
  • Sébastien Fosseur, actuel directeur de Crédal
  • Bernard Horenbeek, ex-directeur de Crédal et actuellement Président du Directoire de la Société financière la Nef (Coopérative bancaire éthique française)
  • François Gemenne, chercheur du FNRS à l’ULiège, professeur à HEC Paris
  • Michel Genet, ex-directeur de Crédal, économiste ​
  • Olivier Gevaert, président du Conseil d’Administration de Crédal
  • Marek Hudon, Professeur à l’ULB
  • Vinz Kanté, fondateur du média LIMIT
  • Sybille Mertens, professeure à HEC-ULiège, directrice du Centre d’Economie Sociale
  • Isabelle Philippe, ex-directrice de Crédal

 


1 Source : « En 2021, les différents niveaux de pouvoir de notre pays ont dépensé ensemble un peu moins de 279 milliards d’euros, ce qui représente 55,5 % du PIB (produit intérieur brut) du pays. Ce chiffre fait de la Belgique un des cinq pays les plus dépensiers de l’Union européenne. », soulignait L’Écho fin septembre 2023.

 

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