Journée internationale des coopératives : en Wallonie, les coopératives dans l’alimentation sont un modèle gagnant-gagnant pour le producteur, le consommateur et la société
Entreprendre sous forme de coopérative dans l’alimentaire permet de maintenir le circuit court dans le secteur de la viande ou de faire vivre des épiceries rurales, par exemple. Le samedi 6 juillet marque la journée internationale des coopératives, reconnue par les Nations-Unies depuis plus de cent ans. L’occasion de mettre en avant ce modèle entrepreneurial qui, en Wallonie, répond à des enjeux régionaux.
Environ 30 % des coopératives sont actives dans l’alimentation. Chez Crédal, coopérative financière qui a aidé des dizaines de coopératives à se créer, on estime que plus d’un tiers des coopératives accompagnées et soutenues sont liées à l’alimentation.
Voici quatre témoignages dans deux secteurs d’activités, qui prouvent qu’en fonction des régions et des problématiques, le modèle coopératif répond aux besoins des consommateurs alors que presque 9 Belges francophones sur 10 déclarent qu’ils consommeront davantage de produits issus des circuits courts.
En Hainaut, des ateliers de boucherie sauvés grâce au modèle de la coopérative en Hainaut : WAPICOWP (Ath) et Les Paysans Bouchers (Beaumont)
À Ath, 8 agriculteurs éleveurs ont fondé il y a plus de 2 ans leur propre atelier de découpe de viande agréé bio sous forme de coopérative, alors que les abattoirs et ateliers de transformation connaissent des difficultés en Belgique. Objectif de Wapicowp : offrir un outil aux normes sanitaires, à prix correct, pour aider les agriculteurs à réaliser de la vente directe. En deux ans, la coopérative, qui occupe 3 équivalents temps plein (7 personnes au profil de bouchers, préparateurs...), est passée de 8 à 27 coopérateurs et à plus de 100 clients utilisateurs allant de la frontière française à Jodoigne. Le planning d’occupation est déjà rempli jusqu’octobre.
Aurélien Holevoet, de Wapicowp, explique : « Nous avons dû investir 100 000 euros pour la mise aux normes et l’aménagement. Un agriculteur seul ne saurait pas le faire. Inflation galopante, 12 % d’indexation de salaire... dès le début, nous avons dû faire face à des coûts plus élevés que prévu. Être en coopérative plutôt que seul nous a clairement permis de passer le cap. Notre défi du moment est la gestion de l’abattoir qui est communal. Or, la commune cherche un repreneur. On envisage la création d’une autre coopérative pour cela .
Le modèle coopératif renforce aussi le projet. « Lors de la création, on mobilise beaucoup d’énergie et de moyens. Sur le long terme, grâce à ce modèle, chaque coopérateur se sent impliqué, cela permet de garder cet état d’esprit. Nous sommes aussi très liés à notre région. De nombreuses boucheries indépendantes bénéficient des produits de cet atelier de découpe, alors que c’est un marché occupé par des acteurs de la grande distribution. Notre but de rapprocher consommateur et producteur est donc atteint »
À Beaumont (Strée), une dizaine d’éleveurs et distributeurs se sont associés.
« Quand on a constaté que l’atelier de découpe de viande bio était en difficulté, nous voulions que l’outil perdure. Nous avons transformé l’entreprise en coopérative pour relancer l’activité sous le nom de « Les Paysans Bouchers », explique Benoit Dave, un des fondateurs de la coopérative.
Se mettre en coopérative permet de rassembler les maillons de la filière : 5 à 6 éleveurs pour le moment, 3 distributeurs de viande bio (Mabio, Paysans-Artisans, un réseau de 8 magasins de proximité en région namuroise et Biocap, une chaîne de 6 magasins bio).
« Nous avons donc une capacité à écouler du volume. Les perspectives sont bonnes, nous avons engagé 2 nouveaux bouchers et nous allons lancer une gamme de produits traiteurs végétaux », complète Benoit Dave.
Épiceries coopératives en milieu rural à Florenville et Nassogne en province de Luxembourg
À Muno (Florenville), l’épicerie « Le Panier des Roches » célèbre son premier anniversaire. Suite à la fermeture de leur épicerie-boulangerie en 2021, les habitants de Muno ont créé une coopérative pour relancer l’activité. « Avec cette fermeture, les habitants devaient parcourir 15 km pour accéder à un commerce. Pendant un an, l’ADL et Crédal ont accompagné le projet », explique Xavier Lecat, de l’ADL de Florenville. « Lorsqu’on a fait l’appel aux coopérateurs, cela a été un succès, nous comptons 113 coopérateurs alors que le village compte 500 à 600 personnes. Le profil des coopérateurs est large : il s’agit autant des personnes déjà sensibles aux circuits courts que des gens qui veulent simplement qu’il y ait une épicerie et de la vie dans le village.
Nous souhaitons maintenir une activité économique viable et donc durable. Le bilan est de 80 à 90 clients par jour, deux personnes sont employées (à temps partiel) pour tenir le magasin. Les produits sont issus des producteurs locaux et du Réseau Paysan, qui est aussi une coopérative. Une vie de village s’est redéveloppée, des apéros s’organisent parfois le vendredi soir à l’épicerie ».
Selon Xavier Lecat, la préparation est cruciale. « Nous avons bénéficié de l’accompagnement de Crédal pour structurer la démarche, la constitution des groupes de citoyens, établir les statuts, organiser la gouvernance et relire le plan financier. De plus, on a eu le retour d’expérience d’autres épiceries locales coopératives de la province et cela a été très utile ».
À Nassogne (Grune), « La Mauvaise Herbe », épicerie locale et maraîchage bio diversifié et formations en permaculture compte environ 300 familles coopératrices, soit environ 15% de la population. Chaque jour, une soixantaine de clientes et clients font leurs courses dans l’épicerie, qui propose entre autres les légumes bio et de saison cultivés à seulement 3 km avec l’aide des coopératrices et coopérateurs.
« En février, nous avons remobilisé les coopérateurs et coopératrices, car nous cherchons toujours l’équilibre économique. Cela a fonctionné, on le voit dans les ventes et dans l’engagement bénévole. Mais c’est important d’expliquer aux coopérateurs et coopératrices le sens de ce modèle, l’importance de faire marcher la coopérative comme outil économique en tant que cliente ou client, pas juste de prendre une part pour le geste.
Face aux crises systémiques, nous voulons trouver un modèle économique qui soit viable et pérenne, qui soutienne les producteurs et productrices, implique les citoyens et citoyennes, crée des emplois, et nous permette de payer nos charges. Seule la coopérative peut nous apporter tout cela. Mais tout en proposant un autre modèle, elle doit quand-même fonctionner dans l’économie dominante, donc être aussi une machine économique performante.
En parallèle, nous avons organisé des soirées dans les villages autour de la souveraineté alimentaire avec une asbl d’éducation permanente. Cette mobilisation citoyenne va déboucher sur un débat avec les candidat·e·s aux élections communales. La coopérative n’est pas qu’une entreprise, elle est fondamentalement un outil au service de la souveraineté alimentaire. Pas toujours facile d’allier les deux ! » raconte Melody Imbach, co-fondatrice de « La Mauvaise Herbe ».
Les coopératives, un outil au service des circuits-courts wallons
Pourquoi autant de coopératives dans l’alimentation ? Jérôme Rassart, expert en création et accompagnement de coopératives chez Crédal depuis plus de 15 ans :
« L’ADN des coopératives est d’intégrer les parties prenantes. Que ce soit dans le secteur de la viande en circuit court ou dans des épiceries présentes dans le monde rural, les coopératives impliquent les différents maillons de la chaîne. Cela permet d’inclure les personnes concernées pour créer des biens et des services qui s’adaptent à leurs besoins plutôt que de créer des besoins pour commercialiser des biens et des services ».
Autre tendance : les coopératives s’emparent de problématiques sociétales.
« Auparavant, les coopératives répondaient à un besoin spécifique d’une communauté. Aujourd’hui, les objectifs sont souvent plus larges : répondre à une problématique comme relocaliser l’alimentation et assurer la souveraineté alimentaire des Belges par exemple. Un des défis du modèle coopératif est de transformer les coopérateurs en consommateurs. Passer à l’acte d’achat est sans doute plus attirant pour des légumes locaux ou de la viande issue de la ferme proche que pour d’autres biens de consommation. Les coopératives alimentaires, très visibles et concrètes, sont de bons ambassadeurs du secteur coopératif. Mais cela reste un défi d’avoir un réflexe de consommer les biens et services dans son ensemble auprès des coopératives (finance, énergie, logement…) ».
Quelques chiffres :
- Selon une étude de l’Observatoire de la Consommation de février 2023, 87 % des consommateurs envisagent de consommer davantage de produits issus des circuits courts. 7 Belges francophones sur 10 indiquent acheter de la nourriture issue des circuits courts au moins une fois par mois.
- Environ 30 % des coopératives sont actives dans l’alimentation. Chez Crédal, coopérative financière qui a aidé des dizaines de coopératives à se créer, on estime que plus d’un tiers des coopératives accompagnées et soutenues sont liées à l’alimentation.
A propos de Crédal et l’accompagnement des coopératives
Depuis près de 40 ans, Crédal finance, accompagne et conseille les coopératives. Afin de développer l’entrepreneuriat coopératif en Belgique francophone, Crédal a mis sur pied le programme Do It Coop, en collaboration avec la coopérative Cera. Ce programme d’accompagnement est unique pour les projets collectifs (coopératives et associations). Do it Coop s’adresse aux porteurs de projets collectifs existants ou en devenir, qui se voient proposer : des formations collectives ou individuelles, de l’accompagnement en mode coaching, afin de confronter le projet sur les plans économique, juridique et organisationnel, de la consultance pour les coopératives existantes qui souhaitent se développer, de l’exploration par des rencontres, des workshops, des visites… pour découvrir l’entrepreneuriat coopératif.
Crédal est une coopérative financière qui propose des services de financement et d'accompagnement au monde associatif et coopératif, à des autoentrepreneurs, ainsi qu'à des personnes précarisées. Crédal agit dans une logique de solidarité, de renforcement de compétences et d'autonomisation.
Crédal emploie plus de 55 personnes à Bruxelles et en Wallonie. Aujourd’hui, Crédal regroupe plus de 4000 coopérateurs et coopératrices engagés qui détiennent ensemble 59 millions d’€ de fonds.
Créée en 1984, pionnière de la finance solidaire, la coopérative a été le premier acteur belge à proposer du microcrédit et des solutions de crédits spécifiques pour les organisations solidaires.
Au travers de ses missions et objectifs, Crédal construit une société inclusive et durable, où l’argent est mis au service du bien commun. Les valeurs portées par Crédal sont la solidarité, l’engagement, la transparence, l’innovation et l’humanité.
Photos téléchargeables :
WAPICOWP à Ath -Aurélien Holevoet:
La Mauvaise Herbe - Nassogne :
Le Panier des Roches à Florenville :
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Nathalie PAQUET