L’économie sociale : un outil au service des communes pour une économie plus ancrée localement

Emplois, formation, coûts énergétiques maîtrisés... les entreprises d’économie sociale garantissent aux communes de nombreux services dans l’intérêt de la collectivité. En Belgique francophone, en 2022, le secteur représentait 258 000 emplois locaux. Alors que les nouveaux conseils communaux vont s’installer, ConcertES, la plateforme de l’économie sociale, rappelle que ces organisations sont des partenaires « gagnants-gagnants » pour les communes, administrations et décideurs locaux en Wallonie et à Bruxelles et qu’elles doivent être soutenues. Exemples avec des projets dans les domaines de l’énergie, de l’emploi, de la récup’ et de la mobilité.
Woluwe-Saint-Pierre : diminuer les émissions de CO2 tout en maîtrisant les coûts de l’énergie
A Woluwe-Saint-Pierre, la commune a remplacé les 6 chaudières au gaz du magasin communal (le bâtiment qui accueille les ateliers des ouvriers communaux) par une chaudière au bois local, installée par Coopeos, coopérative wallonne d’économie sociale qui travaille pour les collectivités.
« Avec cette nouvelle chaudière, nous faisons d’une pierre trois coups au bénéfice de la commune et des citoyens : (1) on remplace des chaudières au gaz en évitant l'équivalent de 107 tonnes de CO2 par an (soit les émissions annuelles moyennes de 50 Wallons pour se chauffer), (2) on utilise du combustible local (des plaquettes de bois local) qui n’est donc pas soumis aux variations de prix comme le sont le gaz ou le mazout et qui permet de créer des emplois locaux, et (3) nous nous chargeons de gérer l’approvisionnement et la maintenance pour la commune sur 10 ans (et ainsi garantir une chaleur durable dans le temps), c’est-à-dire dans une perspective longue et durable », explique Caroline Lambin, co-directrice de Coopeos.
En plus de Coopeos, plusieurs entreprises belges ont participé à la création du projet. A l’exception de Conforty, toutes font également partie de l’économie sociale :
- Retrival - Société coopérative à finalité sociale qui a démonté, récupéré et recyclé les six anciennes chaudières gaz.
- AID Val de Senne - Centre d’insertion socio-professionnelle qui a réalisé les aménagements des bâtiments (menuiserie et maçonnerie).
- Brupower - Coopérative d’énergie citoyenne et renouvelable active en région bruxelloise.
- Optiwatt - Société coopérative qui a mis en place la régulation de l’installation.
- Conforty - Entreprise qui a pris en charge l’installation hydraulique du projet.
Pour mener à bien ce projet, au-delà du seul critère du prix, l’administration a ajouté dans son cahier des charges des critères liés à l'investissement attribué à l'économie sociale d'insertion, à la part de combustibles issus de l’économie sociale d'insertion ou encore au bilan CO2.
« Les pouvoirs publics locaux, comme notre administration, ont un rôle d’exemplarité. L’appel aux réseaux d’économie sociale rentre directement dans ce rôle d’exemplarité. L’économie sociale permet en effet de donner de l’emploi à des personnes qui n’auraient pas forcément accès au monde du travail par les biais classiques.
De plus, l’utilisation de technologies de pointe (chaudière, ventilation double-flux, régulation, aérothermes, panneaux solaires thermiques, etc.) génère des économies d’énergie et donc financières tout en maintenant le niveau de confort attendu.
Après 2 ans de fonctionnement, le bilan de ce projet s’avère définitivement positif », explique Arnaud Dewez, Responsable service Énergies et Techniques Spéciales à la Commune de Woluwe-Saint-Pierre.
Soignies : une amélioration de la mobilité pour les navetteurs et un point vélo
Dans la région de Soignies, l’Envol est un magasin de seconde main (ressourcerie) et ASBL reconnue comme organisme d’insertion socio-professionnelle. Au total, l’Envol compte 8 travailleurs Equivalents Temps Plein et une douzaine d’articles 60 (personnes accueillies via le CPAS).
« Chaque année, nous accueillons au moins 5 travailleurs sous articles 60 via le CPAS de Soignies (et des communes voisines). Nous travaillons donc en étroite collaboration pour l'insertion professionnellel de ces communes. Les relations sont toujours cordiales et professionnelles, avec au centre le citoyen. En étant un magasin social, nous sommes soutenus, en tant que commerce, par l'ADL de la commune, qui ne manque pas de nous informer et nous inclure dans ses projets communaux. Actuellement, nous développons un nouveau projet avec la commune : la création d’un atelier de réparation vélos dans un local vide à l’intérieur de la gare », explique Daphné Winnepenninckx, directrice.
« A Soignies, il y a un réel enjeu de mobilité autour de la gare avec un souci de parkings pour les voitures. La commune veut encourager les navetteurs à venir à vélo jusqu’à la gare. Nous avons donc pris contact avec la SNCB pour ouvrir un point vélo au sein de la gare, qui comprendrait un parking pour une cinquantaine de vélos et un atelier de réparation. Cela nous est apparu logique de faire appel à une entreprise d’économie sociale plutôt que de confier cela à une entreprise privée ou à du personnel communal. Il y a également une démarche sociale et économique : réparer ou remettre en état des vélos usagés tout en développant de l’emploi sur place. Le point vélo devrait ouvrir dans le courant de 2025 », explique Yves Huwart, conseiller mobilité à la Commune.
La Commune a joué un rôle de facilitateur auprès de la SNCB pour mettre à disposition le local tandis que L’Envol gèrera le point vélo.
Comblain-au-Pont : formation, logement et mise à l’emploi des Liégeois
Dans la commune de Comblain-au-Pont, fin 2023, Cortigroupe, plateforme d’économie sociale de plus de 650 travailleurs, œuvrant dans le logement, la formation et l’emploi, a ouvert une filière boucherie, commerce et lieu de formation par le travail grâce à la mise à disposition de locaux par la commune.
« Nous avons conclu avec la commune un bail emphythéotique de 0 euro de 33 ans dans ce bâtiment de Poulseur. Cela signifie que nous ne payons pas de loyer mais que tous les travaux ont été et sont réalisés à nos frais. Nous l’avons remis en état et mis aux normes pour plusieurs projets. Désormais, le bâtiment accueille donc un commerce sous forme de boucherie et petite épicerie, un centre de formation (Centre d’Insertion Socio-Professionnelle « Cortibouche ») en boucherie ainsi que trois nouveaux logements de trois chambres chacun à destination d’un public plus fragile », explique Hervé Samyn, directeur de Cortigroupe.
2 salariés travaillent chez Cortibouche et chaque année, 15 personnes passent par le centre de formation. En 2024, 4 stagiaires ont déjà eu un emploi dans ce secteur.
C’est l’ADL (Agence de Développement Local) qui a impulsé le projet en s’adressant à Cortigroupe. La commune souhaitait en effet d’une part qu’un commerce s’installe dans ce bâtiment et d’autre part elle souhaitait créer un projet d’économie sociale sur son territoire.
« Au départ, l’ADL a sollicité la plateforme Cortibouche pour reprendre et professionnaliser le magasin de vêtements de seconde main du CPAS. Objectif : contribuer au développement d’une nouvelle filière locale de la seconde main au service d’un projet d’insertion socioprofessionnelle. Dans ce contexte, Cortigroupe est également devenu concessionnaire de l’ancien Complexe communal avec pour objectif d’y développer un « Centre d’activités locales » en économie sociale ».
En parallèle, le Collège communal souhaitait vendre un bâtiment (un ancien hôtel) à Poulseur.
« L’ADL a alors proposé au Conseil communal de conserver le bâtiment, en le cédant à Cortigroupe via un droit d’emphytéose pour cause d’utilité publique, à savoir : l’aménagement de nouveaux logements à vocation sociale et la création d’un commerce de proximité. Grâce au soutien de l’ADL, la Commune et Cortigroupe ont pu établir un partenariat global au service de plusieurs projets d’économie sociale basé sur trois axes intégrés : le logement, la formation et l’emploi local », Marie-Noël Dizier, de l’Agence de Développement local de Comblain-au-Pont
La collaboration entre Cortigroupe et la commune ne s’arrête pas là. Cortigroupe a repris la gestion du magasin de seconde main qui avait été créé par le CPAS. Fort de sa bonne collaboration avec la commune, Cortigroupe s’est associé avec d’autres communes pour un projet « territoire zéro chômeur » qui rassemble donc les communes de Comblain-au-Pont, Sprimont et Aywaille. Ce projet financé entre autres par l’Union européenne a pour objectif la création de 50 emplois d’ici fin 2026 sur le territoire des trois communes liégeoises.
Comment les communes peuvent jouer un rôle dans l’économie sociale, selon ConcertES
« Les Communes ont un rôle à jouer dans l’économie sociale, que ce soit en adaptant les clauses sociales dans les marchés publics, en mettant à disposition des bâtiments ou en menant des projets conjoints d’insertion socio-professionnelle via les CPAS, par exemple », explique Benédicte Sohet, secrétaire générale de ConcertES, la plate-forme de concertation pour les organisations de l’économie sociale en Belgique francophone. Emploi, formation, lutte contre l’isolement et la précarisation, économe circulaire : les organisations d’économie sociale sont des alliés pour relever les nombreux défis au sein des communes. « Nous plaidons aussi pour que chaque commune dispose d’un échevin en charge de l’économie sociale car c’est une matière transversale »
En Belgique francophone, en 2022, l’économie sociale représentait 258 000 emplois à travers 11 800 organisations (chiffres de l’Observatoire de l’économie sociale).
Sur le site https://commune.economiesociale.be/leconomie-sociale-dans-ma-commune/ , chaque commune peut voir le nombre de travailleurs et d’organismes d’économie sociale présents sur son territoire.
« En tant que Ministre de l’Economie sociale, je vois chaque jour ce qu’apporte ce secteur à la Wallonie. Sur le terrain, les communes sont des interlocuteurs privilégiés pour ce secteur porteur de cohésion sociale. Je rejoins tout à fait l’initiative de ConcertES : chaque commune devrait désigner un échevin ou une échevine en charge de l’économie sociale. Cette personne pourra agir avec tous les acteurs locaux car il y a forcément des projets d’économie sociale proches de vous», Yves Coppieters, Ministre wallon.
Des entreprises plus résilientes
- Selon le dernier baromètre de l’Observatoire de l’économie sociale, l’âge médian des entreprises d’économie sociale est de 25 ans, contre 14 pour l’économie conventionnelle.
- L’économie sociale affiche par ailleurs un taux de croissance plus élevé que l’économie conventionnelle. De 2018 à 2022, l’emploi y a progressé de 6,2%, contre 2% dans le reste de l’économie.
A propos de ConcertES
ConcertES est la plate-forme de concertation des organisations représentatives de l’économie sociale en Belgique francophone initiée en 2005 par trois fédérations transversales d’économie sociale – FEBECOOP, SAW-B et SYNECO. Agissant comme espace d’échange et de réflexion pour ses 24 organisations membres, ConcertES est un interlocuteur particulièrement au fait des politiques européennes, fédérales et régionales qui concernent l’économie sociale.
Contacts presse
- Pour toute interview avec une personne citée dans le communiqué, contactez Nathalie PAQUET, attachée de presse, 0496 63 49 37, nathalie.paquet@pepite-com.be
- Adrian Jehin, Coordinateur adjoint et Chargé de communication, 0491/418.049, adrian@concertes.be
Pour aller plus loin
Quelques exemples de mesures que peuvent prendre les communes pour soutenir l’économie sociale
- Via les marchés publics & la clause sociale, une commune peut par exemple imposer un critère de formation de demandeurs d’emploi dans son cahier des charges, pour se positionner en faveur des entreprises d’insertion. Elle peut même réserver une partie ou l’entièreté de son marché à des entreprises d’économie sociale. Cela peut s’appliquer pour toute catégorie de marchés publics : travaux de rénovation, entretien d’espaces verts, catering événementiel ou encore archivage électronique.
- Les communes peuvent aussi être directement à l’initiative d’une entreprise d’insertion, en étroite collaboration avec leur CPAS. Les projets d’économie sociale sont multiples en la matière. Comme les IDESS, qui offrent des services de proximité à un public précarisé, avec par exemple une épicerie ou une buanderie sociale, des travaux d’entretien, de réparation et d’aménagement de l’habitat, mais aussi des services de nettoyage de locaux pour des petites ASBL.
- En mettant à disposition des bâtiments pour des projets d’économie sociale comme c’est le cas à Comblain-au-Pont par exemple.
- Les communes peuvent mettre à disposition leur patrimoine foncier à des projets d’agroécologie en circuits courts. En plus de favoriser la résilience et l’autonomie alimentaire de leur territoire, elles ont la possibilité de former des boucles vertueuses en développant par exemple des services à la collectivité comme la distribution de repas sains dans les écoles.
L’économie sociale, c’est quoi ?
La raison d’être de toute entreprise d’économie sociale est avant tout d’être utile à l’intérêt général. Crèche associative, boutique de seconde main solidaire, coopérative d’énergie citoyenne, entreprise de formation par le travail spécialisée dans la rénovation, épicerie coopérative ou encore maison médicale, toutes ces structures poursuivent une finalité sociale qui prime sur l’objectif de rentabilité du capital.
Le modèle de l’économie sociale remet l’humain au centre du projet. « Ici, on place l’humain avant le profit », comme le mentionne le slogan mis en avant dans différentes campagnes de communication en Belgique francophone.
En Wallonie, l’économie sociale est légalement reconnue depuis le 20 novembre 2008, par un décret. Il dessine le périmètre de l’économie sociale, qui comprend les associations, les coopératives, les fondations et les mutuelles. Des organisations qui, de facto, mettent en pratique les principes de l’économie sociale : elles poursuivent une finalité sociale et mettent en œuvre une gouvernance démocratique et participative selon laquelle le pouvoir de décision n’est pas proportionnel au capital détenu. Dans le cas des coopératives, une limitation volontaire des dividendes est de mise, pour privilégier la réinjection des bénéfices dans le développement de l’activité. « Ces mécanismes sont sources de résilience. L’entreprise d’économie sociale privilégie un service et un emploi de qualité, et se concentre sur des activités dites essentielles, comme la santé ou l’alimentation », précise Bénédicte Sohet.

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